Risques liés aux installations de méthanisation et mesures de sécurité indispensables
Les projets de biométhanisation transformant les matières résiduelles en biogaz répondent aux objectifs de développement durable. Cependant, les installations de biométhanisation comportent des risques d’incendie, d’explosion, d’intoxication, d’anoxie ou de pollution dont on doit tenir compte.
Les concepteurs, les constructeurs et les opérateurs doivent travailler de concert pour déterminer les risques de santé et sécurité. Ils peuvent ensuite prendre les mesures nécessaires pour les réduire afin de disposer d’une installation sûre. C’est essentiel pour éviter les blessures et les décès. De plus, ces mesures permettent de réduire les arrêts d’usines et les bris.
Le plus souvent l’erreur humaine est la cause d’un bris ou d’un incident. On peut mitiger ces erreurs en anticipant les risques et en planifiant rigoureusement le projet et ses maintenances.
Voici l’explication des principaux phénomènes dangereux associés, les schémas types d’une installation (zones à risque d’explosion), quelques mesures de sécurité indispensables et quelques exemples d’accidents passés.
Le biogaz
Le biogaz est produit par la fermentation de matières organiques animales ou végétales en l’absence d’oxygène. C’est essentiellement un mélange de méthane (CH4) et de gaz carbonique (CO2) inerte. Le biogaz présente toujours certaines impuretés comme de l’eau (H2O), des sulfures d’hydrogène (H2S), du diazote (N2) et des siloxanes. La présence de H2S, de CO2 et d’eau rend le biogaz très corrosif.
La composition varie en fonction de la nature des substrats entrants et des conditions opératoires.
Teneurs des principaux composants du biogaz agricole
Phénomènes dangereux associés
Les opérateurs et les concepteurs peuvent aisément atténuer les risques énumérés ci-dessous s’ils appliquent les mesures de santé et de sécurité à toutes les phases de développement du projet. Par exemple :
Les incendies et les explosions
Risques d’asphyxie
Risques chimiques et intoxications au gaz (H2S, NH3)
Les fuites de gaz à haute pression ou de liquide
Les risques liés à l’équipement mécanique rotatif
Les pathogènes (les maladies)
Risques d’incendies et d’explosion
Une explosion ou un incendie se produisent lorsque les conditions suivantes sont réunies simultanément :
Présence d’un gaz combustible : méthane (CH4)
Présence d’un comburant : oxygène de l’air
Présence d’une source d’inflammation
Concentration du gaz combustible comprise dans son domaine d’explosivité (LIE – LSE)
Présence d’un confinement
Un incendie peut se produire à cause de fuites de gaz, de formation de zones explosives, de travaux de soudure, de canalisations bloquées ou gelées et autres.
Triangle du feu
Hexagone de l’explosion et domaine d’explosivité
Un biogaz composé de 60 % de méthane et de 40 % de dioxyde de carbone doit atteindre des concentrations dans l’air variant entre 8,5 et 20,7 pour atteindre le domaine d’explosivité.
Risques d’asphyxsie
La formation, le transport et la combustion du biogaz sont des étapes pouvant entraîner des atmosphères appauvries en oxygène. L’accumulation de biogaz dans un espace confiné peut diminuer sensiblement le taux d’oxygène (anoxie) et rendre le travail dangereux.
La teneur minimale réglementaire à respecter en oxygène est de 19 %. Les principaux gaz qui ont un pouvoir anoxiant sont le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone (CO2).
Risques chimiques et intoxications au gaz
Par leurs caractéristiques toxicologiques, l’ammoniac, l’hydrogène sulfuré ou le dioxyde de carbone exposent les opérateurs à des risques. Pour réduire les risques, on doit respecter les valeurs limites d’exposition.
Une personne exposée à des concentrations de H2S supérieures à 50 parties par million peut subir de graves blessures ou mourir. Elles peuvent également entraîner la corrosion des tuyaux et des cuves en acier ou des dommages au moteur de biogaz.
Valeurs
limites d’exposition professionnelle (VLEP) des principaux gaz dangereux
composant le biogaz
Les fuites de gaz à haute pression ou de liquide
Les fuites de gaz à haute pression ou de liquide se produisent lorsque
la pression devient inférieure ou supérieure à la normale au niveau des
réservoirs.
Par exemple, un bris des réservoirs pourrait causer, dans une usine de biométhanisation à grande capacité, une inondation de digestat sur le site. Celle-ci peut même s’étendre sur les terres voisines si elle n’est pas contenue à temps.
Risques biologiques (pathogènes)
Les intrants
et le digestat contiennent des microorganismes pouvant être à l’origine de
maladies plus ou moins graves chez l’homme : infection, allergie,
intoxication produite par des bactéries ou des moisissures.
Par
exemple, le déversement d’une citerne dans une cuve de lisier peut créer des
projections et des aérosols contenant des microorganismes.
Schémas types d’une installation avec ses principaux organes de sécurité
Zones à risques d’explosion
Quelques mesures de sécurité indispensables
Générales
Utiliser des matériaux qui ne sont pas susceptibles
de subir une corrosion par l’eau ou par des produits soufrés (du type inox ou
polyéthylène par exemple)
Les matériaux utilisés doivent être étanches au
biogaz
Les installations électriques seront conformes
aux normes et à la réglementation (norme NFC15-100 et article R 4227-21 du
Code du travail)
Concernant le risque d’incendie :
Les matériaux constitutifs, notamment des
digesteurs ou de l’unité de combustion, doivent être incombustibles
Les installations doivent respecter les
dispositions de l’article R4216 du Code du travail : prévoir à
l’intérieur des locaux des systèmes de détection, des systèmes d’extinction précis
Le stockage à l’intérieur des locaux doit être
évité
Les stockages des produits pétroliers doivent
respecter l’arrêter du 1er juillet 2004 fixant les règles techniques et de
sécurité applicable au stockage de produits pétroliers
Digesteurs, post-digesteurs et réservoirs de stockage de biogaz
Installer un dispositif de protection contre les effets d’une explosion
Soupape de sécurité : les digesteurs et les réservoirs de stockage de biogaz doivent être équipés de dispositifs de sécurité (souvent des soupapes de sécurité) qui empêchent d’avoir une dépression ou une surpression trop importante
Redondance des vannes : disposer de 2 vannes de vidange pour un digesteur au cas où l’une des deux se casserait. De plus, il doit être possible de verrouiller manuellement une des deux vannes
Mélangeur : se munir d’une alimentation électrique secourue
Désulfuration du biogaz par injection d’air
À l’intérieur du digesteur ou du
post-digesteur, la pompe de dosage d’air doit être réglée de telle manière que
le débit d’air ne puisse pas dépasser 8 % du volume de biogaz produit
durant la même période
La conduite d’arrivée dans le digesteur doit
être équipée d’un clapet antiretour qui empêche le biogaz de refluer
Torchères
La
torchère est cruciale dans le contrôle des risques de l’installation. En cas de
problème ou en phase de démarrage, elle doit traiter le biogaz, qui ne doit pas
aller dans l’atmosphère.
La torchère doit être munie d’un arrête-flamme
Elle doit posséder un dispositif de ventilation préalable
Condenseur
S’assurer que la vidange de vapeur se fait sans que le biogaz s’échappe à l’extérieur
Mettre en place des détecteurs de niveau haut et bas asservis à l’arrêt de la pompe
Fosse de stockage du digestat
Si une fosse est recouverte, il faut alors
s’assurer qu’elle est suffisamment aérée
Mettre en place un détecteur de niveau haut
asservi à l’alimentation en digestat
Locaux techniques
Les locaux techniques doivent être correctement ventilés
Canalisations
Découpler les réseaux de biogaz et de substrat. Les canalisations
de biogaz doivent notamment :
Être suffisamment résistantes aux fluides, à la corrosion et à la pression
Être étanches et testées avant leur première utilisation
Être facile d’accès et placées de préférence en surface
Être constituées de tronçons soudés et ne pas passer à l’intérieur d’espaces confinés, notamment des locaux
Présenter des pentes afin d’évacuer les produits corrosifs et les condensats
Être protégées contre les effets du gel quand elles véhiculent les substrats
Posséder des vannes de sécurité, placées en amont des installations destinées à la production, au stockage et au traitement ou à l’exploitation de biogaz
Posséder des dispositifs déclenchant ces vannes de sécurité, placés dans des endroits faciles d’accès
Quoi faire à chaque étape du projet pour assurer la sécurité et minimiser les risques?
L’opérateur et le concepteur doivent prendre certaines mesures à chaque étape d’un projet de méthanisation pour assurer sa sécurité et minimiser ses risques.
Conception de l’installation de méthanisation
C’est une étape particulièrement importante pour assurer la
sécurité du projet. L’opérateur et le concepteur doivent porter une attention
particulière :
À toutes les normes et les lignes directrices, et tous les codes s’appliquant aux installations de méthanisation
À la classification de la zone d’explosion, car le système électrique installé doit être adapté au risque d’explosion
À la création d’espaces confinés, à éviter le plus possible
Aux risques potentiels pouvant survenir lors de l’exploitation de l’installation, qu’il faudra anticiper
La construction du projet
Effectuer une planification rigoureuse
Engager, au besoin, un expert sur le chantier pour s’assurer du respect des mesures de santé et de sécurité établies auprès des travailleurs
La mise en service de l’installation
La mise en service d’une installation de biométhanisation peut être
l’étape la plus dangereuse du développement d’un projet.
Les accidents pouvant survenir à cette étape comprennent,
notamment :
Plus rarement, des défaillances des structures se produisant pendant le remplissage du réservoir ou le test des tuyaux à haute pression
Les décharges hydrauliques accidentelles pendant le test d’avant exploitation des pompes et des vannes
Le manque de test de calibration de l’équipement de santé et de sécurité pour s’assurer de son bon fonctionnement
L’augmentation des risques d’explosion lorsque les ouvertures d’admission d’air sont ouvertes et que de l’air entre en contact avec le biogaz
L’exploitation de l’installation de biométhanisation
C’est l’étape où le plus d’accidents et d’incidents se produisent. Pour
les éviter, l’opérateur doit :
Former adéquatement tous les opérateurs de l’usine pour le travail en espaces confinés, la détection de gaz portable, les procédés et l’équipement
Appliquer de strictes procédures de verrouillage de l’équipement
Vérifier régulièrement les équipements de santé et de sécurité pour s’assurer de leur calibration et de leur précision
Effectuer régulièrement une inspection visuelle pour détecter les fuites et vérifier l’état des équipements
S’assurer de l’application de mesures d’hygiène pour éviter les maladies pathogènes
Former le personnel de l’usine de biogaz dans les pratiques de base en lutte contre les incendies et de RCR
Exemples passés d’accidents sur des installations de biométhanisation
En Europe, on recense environ 800 accidents sur des installations de biométhanisation entre 2005 et 2015. Heureusement, moins d’une dizaine d’entre eux ont eu des conséquences sur la vie humaine. Voici quelques exemples.
Exploitation
agricole, Saint-Fargeau, France
En 2018, une explosion survient à la suite d’un incendie au gazomètre du post-digesteur de l’exploitation agricole de Saint-Fargeau, en France. L’accident se produit lors du test initial de fonctionnement de l’agitateur, après le remplacement de son hélice.
Conséquences
Gazomètre hors d’usage
Fonte des câbles d’alimentation des agitateurs
Endommagement de l’étanchéité de tête de voile
Causes
Un défaut d’installation de l’agitateur
Système de supportage de l’agitateur non relié au sol
Création d’un arc électrique pendant la coupure de l’alimentation électrique de l’agitateur, source d’ignition et d’inflammation
Contrôles non efficaces des organismes certifiés lors des visites initiales et périodiques
Usine de
biométhanisation de Rhadereistedt, Allemagne
En 2005, la fuite d’une grande quantité de H2S survient dans le hall de chargement de l’usine de biométhanisation de Rhadereistedt, en Allemagne. En effet, les travailleurs ne peuvent respecter la procédure de chargement du camion à cause d’une panne du moteur du couvercle recouvrant la fosse. Cette fosse contenant des déchets provenant des animaux ou de laiteries demeure donc ouverte, provoquant ainsi la fuite.
Conséquences
Mort du conducteur du camion et de 3 employés
Blessure et hospitalisation d’un employé
Actions entreprises
Mise sur pied de mesures techniques de sécurité pour éviter l’exploitation des mélangeurs lorsque le couvercle de la fosse est ouvert
Création de nouvelles lignes pour éviter de faire passer les substances liquides sans passer par la fosse
Optimisation du système de ventilation
Installation de détecteurs de gaz
Interdiction des stockages intermédiaires de nuit et de fin de semaine dans la fosse
Évitement des mélanges de matériaux
Formation des employés
Guides complémentaires sur les risques et la sécurité des installations de méthanisation
Plusieurs autres guides sur les exigences minimales
de sécurité pour une installation de biométhanisation existent. N’hésitez pas à
les consulter pour obtenir davantage d’informations sur le sujet.
Le documentRègles de sécurité des
installations de méthanisation agricole (l’Institut
national de l’environnement industriel et des risques de la France) contient de
l’information sur le fonctionnement et l’entretien. Il comprend les mesures
indispensables pour assurer la prévention des risques lors de l’exploitation
des installations, la réception, le démarrage, le contrôle et la maintenance
des installations, les mesures d’intervention dans des espaces clos, dans les
digesteurs, les post-digesteurs et les réservoirs de stockage.
Selon votre région, plusieurs guides pourraient
également vous être utiles :
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